Marché marocain de la cybersécurité : 1,2 milliard de dollars un tournant, mais sans illusion


Rédigé par Lycha Jaimssy MBELE le Lundi 1 Décembre 2025

Le marché marocain de la cybersécurité vient de franchir un cap symbolique : 1,2 milliard de dollars. Porté par l’accélération de la transformation numérique et la recrudescence des cyberattaques, ce bond traduit un besoin urgent de protection, mais il s’accompagne de défis structurels qu’il ne faudrait pas sous‑estimer.



Un marché qui explose face à la montée des menaces

D’après le rapport 2025 de Ken Research, le segment marocain “MDR & SOC” — c’est‑à‑dire les services de détection, de réponse aux incidents et de surveillance continue atteint désormais 1,2 milliard de dollars

Qu’est-ce qui alimente cette croissance spectaculaire ? Plusieurs facteurs.
 

D’abord, l’essor massif du numérique : entreprises, administrations, PME, individus  l’usage du digital ne cesse de se répandre. Chaque nouveau service en ligne, chaque base de données, chaque infrastructure connectée élargit la “surface d’attaque”. Et les attaques n’ont pas tardé à suivre : selon le rapport, les cyber‑incidents ont grimpé d’environ 30 %, soulignant l’urgence de renforcer les défenses. 
 

Ensuite, la réaction institutionnelle s’est intensifiée. Depuis 2023, le Maroc a mis en œuvre une stratégie nationale de cybersécurité  création d’une agence dédiée, financement, renforcement des capacités de surveillance, incitation à la coopération public‑privé. Ces mesures ont jeté les bases d’un cadre propice à l’essor des services de sécurité informatique. 
 

Enfin, la demande vient de partout : administrations, banques, télécommunications, santé, industrie, PME… Le rapport identifie clairement les principales “zones de tension” et donc les opportunités  parmi les secteurs les plus exposés. 
 

Pour être franc : quand j’ai vu ces chiffres, j’ai repensé à des discussions récentes avec des responsables IT dans des banques de Casablanca  beaucoup disaient ressentir “l’angoisse permanente” d’un piratage, d’une fuite de données. Ce 1,2 milliard, pour eux, c’est plus qu’un chiffre : c’est le reflet d’un besoin vital.

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MDR, SOC et services spécialisés : les piliers de la sécurité

Le rapport met en lumière deux types de services qui tirent la croissance :
 

Les MDR (Managed Detection & Response) — externalisation de la surveillance, détection et traitement des menaces en temps réel. De plus en plus d’organisations optent pour cette formule, car elles manquent de ressources internes ou redoutent des attaques sophistiquées qu’un simple antivirus ne suffit plus à bloquer. 

Les SOC (Security Operations Centers) — structures dédiées à la supervision continue, à l’analyse des vulnérabilités, à la gestion des incidents, à la veille des menaces. Ces centres deviennent essentiels pour assurer la résilience des systèmes. 
 

À ces services s’ajoutent le “threat intelligence”, la gestion des vulnérabilités, la conformité réglementaire… Autant de solutions aujourd’hui considérées comme stratégiques, et plus comme des “frais informatiques”. 
 

Géographiquement, la demande se structure autour de quelques pôles : Casablanca (secteur privé, banques, multinationales), Rabat (administrations, institutions publics), Tanger (industries, zones industrielles, logistique). Ce trio concentre l’essentiel des investissements — un trait révélateur des dynamiques économiques actuelles. 


Un essor réel mais des défis structurels persistants

Cette montée en puissance n’est pas sans obstacles. Le premier, et de taille : le manque de compétences. Le Maroc compterait environ 6 000 experts certifiés en cybersécurité, alors que le besoin est estimé à plus de 12 000 un écart qui pourrait freiner sérieusement la montée en charge des services. 
 

Ensuite, le coût des solutions représente un véritable obstacle  surtout pour les PME. Installer un SOC ou souscrire à un MDR peut coûter entre 250 000 et 1,2 million de dirhams, ce qui pèse lourd pour des structures modestes. 
 

Cela crée un paradoxe : le besoin est urgent, la demande existe  mais l’offre peine à suivre à cause de ces contraintes. Le risque ? Que seuls les grands groupes ou administrations soient protégés, alors que les petites structures  souvent plus vulnérables  restent exposées.


Une opportunité pour un Maroc numérique, résilient et inclusif

Pour autant, ce marché naissant porte un véritable espoir. Loin d’être un luxe, la cybersécurité apparaît comme un pilier indispensable de la transformation numérique. Dans un monde où l’économie digitale pourrait représenter plusieurs dizaines de milliards de dirhams comme le souligne le rapport , garantir la sécurité des flux, des données, des plateformes est essentiel. 
 

C’est aussi une chance pour la jeunesse marocaine : former des compétences, créer des emplois, bâtir des startups de cybersécurité, contribuer à un écosystème digital robuste et souverain.
 

Mais pour que cette chance se concrétise, il faudra agir avec bon sens et ambition : investir dans la formation, encourager les partenariats publics‑privés, alléger les coûts pour les PME, veiller à ce que la cybersécurité ne devienne pas un luxe réservé à une élite.


L’atteinte de 1,2 milliard de dollars sur le marché marocain de la cybersécurité n’est pas seulement un chiffre symbolique : elle souligne que le Royaume est entré dans l’ère de la protection proactive de son économie numérique. Entreprises, administrations et start-ups sont désormais appelées à conjuguer innovation et sécurité, transformant la cybersécurité en véritable levier de compétitivité et de souveraineté digitale. Si les efforts en formation, partenariat et financement sont maintenus et renforcés, le Maroc pourrait bientôt se positionner comme un hub régional de cybersécurité, capable de sécuriser ses ambitions numériques tout en créant des emplois et des opportunités pour la jeune génération.





Lundi 1 Décembre 2025
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